L’histoire de la Guadeloupe, à la fois région d’outre-mer et département d’outre-mer (numéro 971) français, a été marquée comme l’histoire de la Martinique et l’histoire de la Jamaïque par la déportation massive, à partir des années 1670, d’esclaves noirs africains, ancêtres de l’immense majorité de la population actuelle
Petit-Canal, les marches et la prison des esclaves
Au bout de l’allée venant du débarcadère, les Marches des Esclaves mènent au plateau et à l’église. Cet escalier en pierres de taille porte, en regard de chaque volée de marches, les noms des ethnies africaines d’où étaient originaires les esclaves qui débarquaient en Guadeloupe.
En se tenant face à l’escalier, dos à la mer, une route sur la gauche mène vers le Nord. Après quelques mètres apparaît, derrière les arbres sur la droite l’ancienne prison.
Bien que délabré le bâtiment conserve ses principales pièces, ainsi que des barreaux sur des murs. Il s’en dégage une atmosqphère un peu étrange…
Le côté spectaculaire vient du grand Figuier Maudit dont les branches et les énormes racines semblent avoir emprisonné tous les murs et l’intérieur, passant à travers les cloisons comme si la nature voulait éradiquer cette bâtisse.
L’habitation Murat à Marie-Galante
Surplombant la mer sur les hauteurs de Grand-Bourg, cette habitation sucrière du début du 19ème siècle, abrite aujourd’hui l’Ecomusée des Arts et Traditions populaires de Marie-Galante. Le Conseil général, propriétaire du site, a entrepris d’importants travaux de restauration des bâtiments et des aménagements de son parc afin de réhabiliter ce lieu de mémoire qui vous fera traverser un passé à deux facettes : celui, passionnant, de trois siècles de l’histoire sucrière de la Guadeloupe à l’époque coloniale, et celui, plus dérangeant, d’une période esclavagiste.
Fondée au milieu du 17ème siècle par un notaire d’origine champenoise, cette habitation est l’une des toutes premières sucreries. En 1807, Dominique Murat, originaire d’Aquitaine, acquiert la propriété, la modernise et la dote de nouveaux bâtiments. L’habitation ne cesse de prospérer, passant de 114 à 307 esclaves, et devient en 1839, la plus puissante plantation de Guadeloupe. L’abolition de l’esclavage en 1848, la concurrence d’usines sucrières plus performantes, et bientôt l’effondrement du cours du sucre, lui seront fatal.
De cette époque faste, on retrouve aujourd’hui la majestueuse Maison des maitres, typique du vignoble bordelais. De style néo-classique, elle témoigne de la connaissance architecturale de ces «esclaves à talents», ouvriers qualifiés aidés d’artisans européens. La qualité de la maçonnerie en pierre de taille du moulin à vent et son écusson sculpté dans la pierre attestent eux aussi d’un évident savoir-faire.
Une imposante plateforme circulaire entourée d’un mur d’enceinte, laisse deviner l’emplacement du moulin à bêtes. Fonctionnant en même temps que le moulin à vent, ce dernier permettait d’augmenter les capacités d’extraction du jus de canne. Dans les ruines de la sucrerie proprement dite, on apprend que cette dernière contenait 9 chaudières, ce qui démontre la puissance du domaine. Derrière l’habitation, l’enclos à animaux a été transformé en jardin médicinal, unique dans la région, s’inspirant des savoirs naturalistes de l’île.
Enfin, près de la mare entourée d’arbres centenaires, trois cases en gaulettes, répliques des réduits misérables où l’on entassait les « captifs », en disent long sur les conditions de vie précaires des esclaves qui travaillaient dans les plantations.
L’habitation Trianon-Roussel à Marie-Galante, les vestiges d’une des premières sucreries
A peine sortis de Grand-Bourg par la Nationale 9 en direction du Nord, cernés par une allée de majestueux vestiges de moulins, vous apercevrez sur votre gauche les restes d’une sucrerie. Recouverte de végétation, elle semble indissociable de sa terre. Pointant l’horizon comme pour vous interpeler, une cheminée et un imposant moulin décapité, le plus vieux et le plus beau de l’île dit-on, vous inviteront alors à venir découvrir ce que racontent ces vielles pierres. Pénétrant au cœur de ce remarquable site, vous voilà repartis plusieurs siècles en arrière, plongés dans l’épopée de l’industrie sucrière.
Construite sur l’emplacement de l’habitation sucrière Trianon (1669), la sucrerie ROUSSEL-TRIANON est fondée à la fin du 18ème siècle sous l’impulsion de son dernier propriétaire Paul Botreau Roussel. Prospère à cette période révolutionnaire, le site voit son moulin à bêtes remplacé par un moulin à vent dès 1800 pour le broyage de la canne à sucre. P. Roussel amorce la modernisation du domaine avec la construction d’une usine à vapeur dès 1845. Probablement à son achèvement vers 1860, son complexe sucrier sera même le premier aux Antilles à être équipé d’appareils à triple effet Derosne et Cail pour les opérations de cuite. Pourtant florissante, la sucrerie ne résistera pas au déclin de l’industrie sucrière et sera fermée en 1874 au profit de l’usine de Grande-Anse (la seule encore en activité à Marie-Galante), laissant en lieu et place d’imposantes ruines riches de leur histoire.
Aujourd’hui propriété du Conseil Général de Guadeloupe, ce patrimoine, considéré comme l’un des plus beaux sites industriels sucriers de l’île, a été classé monument historique en 1981. La qualité de soubassement de sa cheminée et de son moulin à vent en pierre de taille calcaire ainsi que les décorations de ses baies, démontrent le savoir-faire des tailleurs de pierre, des maçons et des charpentiers de l’époque. Près de sa maison de maîtres, son bâtiment qui servait d’écurie, est d’une remarquable qualité architecturale, unique en Guadeloupe avec l’emploi de la pierre et de la brique.
La mare au punch
La mare au Punch a été le théâtre d’un événement majeur qui a marqué l’imaginaire marie-galantais et donné son nom à la mare. Cette mare faisait partie intégrante de l’habitation Pirogue.
L’événement intervient dans la nuit du 24 au 25 juin 1849 soit une année après l’abolition de l’esclavage lors de la première élection législative à laquelle participent les nouveaux affranchis. Deux listes antagonistes s’opposent alors : celle de Victor Schœlcher et Perrinon, abolitionnistes et celle de Bisset et Richard, soutenus par Théophile Botereau Roussel Bonneterre, vieille famille de Marie-Galante, propriétaire de l’usine de Pirogue mais aussi maire de Grand Bourg campagne.
Au cour de l’élection Jean-François Germain, ancien esclave, affranchi, se rend compte d’une supercherie dans les bulletins de vote. Les seuls bulletins distribués aux nouveaux affranchis illettrés, n’étaient qu’au nom de Bisette et Richard, partisans du maire en place.
En représailles, la mairie de Grand Bourg est brûlée. La population déverse dans la mare, toute la production de sucre et de rhum de l’usine de Pirogue d’où l’appellation « mare au Punch ». Le maire et sa famille prennent la fuite.